vendredi 4 juillet 2008

Le bortsch du camarade Tchekov

Cher camarade,

j'ai l'honneur de vous apprendre que j'ai eu le plaisir de déguster votre bortsch et qu'il fut bien apprécié. Je vous demande donc d'accepter mes félicitations, vous avez largement dépassé votre ancien potage à la betterave, qui, bien honnêtement, ne payait pas de mine. J'aimerais tout de même détailler ma critique culinaire afin de vous fournir l'état de ma pensée.

Tout d'abord, je dois dire que j'ai trouvé que la présentation de votre soupe était appropriée, mais votre bouillon aurait pu être bonifié de quelques betteraves râpées afin de le rendre plus consistant. De plus, sans vouloir vous froisser, votre bouillon était chiche : même si je voyais le gras du boeuf, il vous faudrait faire cuire votre bouillon avec des os, afin de laisser la moelle le rendre plus gouteux. D'ailleurs, si vous aviez l'amabilité de casser votre eau avec une base de bouillon, cela aurait également contribué à augmenter l'arôme du potage.

Votre boeuf était bien cuit, vos betteraves et vos légumes étaient juste assez cuits, ce qui est très bien. Vous avez eu la bienveillante idée d'y ajouter de le fenouil, qui harmonise délicieusement votre soupe, bien que vous aillez un peu forcé la note. Par contre, il manquait un ingrédient typiquement russe dans votre soupe, une chose cruciale, vitale, essentielle : la crème aigre. C'est une erreur importante : il faut en mettre un peu dans la soupe (avec l'aneth ciselé) et laisser la balance à votre invité.

En somme, vous avez fait un bon travail, mais il faut tout de même vous dire que votre soupe n'avait pas beaucoup de personnalité : l'âme slave qui doit l'habiter semblait plutôt diluée. Vous auriez avantage à vous inspirer de ce proverbe russe : « Si tu as une bonne épouse et un Bortsch gras, alors tu peux t'estimer heureux ». Pour compenser cette remarque acerbe, laissez-moi terminer en vous citant Paul Bocuse, qui exprime une qualité indispensable à votre maitrise culinaire : « Il n'y a pas de bonne cuisine si au départ elle n'est pas faite par amitié pour celui ou celle à qui elle est destinée».

Votre ami dévoué,
Leonid Petrovitch Gaiev

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