mardi 29 mars 2011

Des élections

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas l’enthousiasme le plus complet pour la course opposant les partis fédéraux canadiens. D’ailleurs, la plupart des observateurs, cyniques ou pas, croient que les Canadiens rééliront un gouvernement conservateur… certains prétendent qu’il sera majoritaire. Ayant suivi la politique depuis mon plus jeune âge, je vous propose les défis des chefs et le scénario que je crois le plus probable.

Stephen Harper est, selon moi, le meilleur stratège politique à Ottawa. Il a réussi à mettre la faute sur les partis d’opposition en faisant croire à la population que le pays est en élection suite au rejet du budget et non à la condamnation pour outrage au parlement. Il faut être un bon stratège pour être capable de trafiquer ainsi la réalité. Il devrait être capable de défendre son maigre bilan en précisant qu’aucun des autres chefs de parti n’a l’étoffe d’un premier ministre (et malheureusement, il a bien raison là-dessus, verriez-vous sérieusement Ignatieff à la tête du Canada). Rusé et patient, il sera venir à bout des autres en réinventant l’histoire comme il sait si bien le faire. Il aura cependant fort à faire s’il veut reprendre des comtés au Québec, surtout après avoir refusé de financer l’amphithéâtre.

Michael Ignatieff essayera visiblement de se donner un air plus populiste, lui qui a bien l’air de la Pauline Marois d’Ottawa. Il espérera aller chercher des votes en participant à des événements plus proches de la population, mais son parti est en déroute et ses troupes ne sont pas bien rodées pour essayer de prendre les conservateurs de court. Dans les sondages, il est même moins populaire que Stéphane Dion, c’est dire! Il doit lutter contre les conservateurs qui sont bien établis partout, sauf au Québec, dans les maritimes et dans l’ouest de l’Ontario,

Jack Layton est celui, qui, selon moi, a le plus à gagner à cette élection. Charismatique, il montre la force de son caractère à travers l’épreuve qui vit : rester à la tête d’un parti et vaincre un cancer. Malgré ses valeurs à la bonne place et les nombreuses qualités dont il fait preuve, il n’est pas assez agressif dans l’arène politique et son français pourrait également lui nuire. C’est le politicien le plus original et le plus cordial, il manque juste de leadership. Il va probablement conserver la ceinture nord de l’Ontario, une partie des maritimes et une partie de la Colombie-Britannique. S’il y avait des percées à faire, je prédirais probablement l’Ontario ainsi que la reconquête de la Colombie-Britannique.

Gilles Duceppe est assuré d’une majorité écrasante au Québec. Il aurait l’étoffe nécessaire pour être un chef d’État, mais la raison d’être de sa formation et de faire en sorte que les Québécois se sentent respectés et représentés à Ottawa. L’homme n’ayant pas la langue dans sa poche, aucune attaque n’est efficace contre lui, il est simplement l’homme de la situation. Il pourrait s’approprier quelques fiefs conservateurs dans la région de Québec, mais il pourrait également perdre quelques comtés si les libéraux jouent bien leurs cartes

Elizabeth May ne jouit pas d’un grand support médiatique pour le parti vert. Si elle avait à prendre un siège, je penserais à la Colombie-Britannique, mais il est fort probable qu’il n’y ait aucun élu chez les verts.

En somme, il sera difficile pour les conservateurs de consolider leurs appuis sans le Québec. Tant que le Bloc sera aussi fort au Québec, il est improbable qu’un gouvernement majoritaire se forme. Ma prédiction : un gouvernement conservateur minoritaire, si on écarte la coalition improbable des libéraux, du NPD et du Bloc. Par contre, il y a actuellement deux députés indépendants élus. Les conservateurs sont à quelques sièges d’un gouvernement majoritaire, eux aussi pourraient penser à faire équipe avec les députés indépendants et ainsi régner en maître, comme ils sont déjà habitués à le faire d’ailleurs.

Je vous encourage, quelle que soit votre opinion, à aller voter. Selon moi, les seules personnes qui ont le droit de critiquer les élections sont celles qui y participent.

mercredi 9 mars 2011

Франсуаза рождения еды

Depuis un certain temps, il est coutume que Françoise et moi nous recevions mutuellement à souper à l’occasion de notre anniversaire respectif. Ayant également une grande difficulté à honorer cet engagement dans les temps, j’ai reçu Françoise la semaine passée, pour lui partager un festin russe, ce que les russophones d’entre vous auront bien évidemment deviné!

Pour faire un souper qui se respecte, il me fallait tout d’abord la patience d’une vieille babouchka, pour préparer un bortsch qui aura lentement mijoté pendant 36 heures dans une mijoteuse. Composé principalement de betteraves et de cube de bœuf, j’ai voulu enrichir le tout en incorporant de la queue de bœuf ainsi que des os d’oie, des carottes, des patates, des tomates, un peu de vinaigre et puis un peu d’aneth. L’odeur embaumait partout dans mon logis, je crois que ça aide à faire bonne impression!

Enfin, je devais également me préparer à sortir pour aller chercher du pain, de la crème sure russe ainsi qu’un gâteau traditionnel chez Vova (5225, avenue du Parc, proche de la rue Laurier, à Montréal). J’entends mes lecteurs de longue date me demander à l’oreille : « normalement, lorsque tu reçois Françoise, ne fais-tu pas toi-même tes desserts? » et moi de vous répondre : « Oui, mais cette fois, j’en ai acheté un, n’ayant jamais tenté l’expérience auparavant ». J’ai choisi deux sortes de pain qui ont quasiment eu raison de notre appétit avant que nous commencions avec le potage. Il faut dire que du pain mélasse et coriandre et du pain aux épices et miel nappé de crème sure et de caviar, ça remplit bien la panse.

Enfin, pour mon plat de résistance, j’ai utilisé une formule éprouvée, à l’exception du levain. Pour une raison qui m’échappe, j’ai ajouté du levain dans ma préparation de varenniki et pelmini, alors ces derniers étaient terriblement collants. Les pelmeni et les varenniki sont en fait des pâtes fourrées russes, les premiers avec de la viande, les autres avec du fromage, des patates et du bacon et une autre variété aux champignons (pleurotes, champignon de Paris et champignons huîtres, le tout avec du basilic, de l’ail et des échalotes françaises). J’ai servi avec une kacha, tout ce qu’il y a de plus traditionnel, sans artifice. J’ai trouvé la kacha fade, elle qui est normalement généreusement épaissie avec des champignons, du beurre et une quantité délirante de crème sure, mais pour que les convives finissent leur assiette, la version santé s’imposait. Une bonne bouteille de vin a émerveillé nos papilles. Nous avons poussé la décadence jusqu’à faire frire les varenniki aux champignons et à mettre de la crème sure sur absolument tout.

Suite à cela, nous n’avions étonnamment plus faim. Profitant de l’occasion pour déguster à nouveau le vin, je pensais faire un petit trou Normand quand l’idée du dessert s’est tout naturellement imposée à nos têtes, graduellement. Nous avions également consommé un thé fumé que les Russes consomment régulièrement (mais qui était chinois). Puis, le dessert : un gâteau mousse au fromage blanc qui fondait dans la bouche. Françoise avait dit qu’elle mettrait de la crème sure sur toutes les parties du repas, ce qui aurait dû nous valoir une place dans le Epic Meal Time, car nous avons consommé l’entièreté du pot de crème sure, déjà plus grasse de d’ordinaire (18%). Nous avons par la suite terminé le repas avec une excellente bouteille de cidre de glace Kryo, de ma réserve personnelle, qui a permis de terminer le repas en beauté. Je suis content que mes invités aient pu se rouler jusqu’à chez eux sans ambages, en prenant, il est vrai, le dernier métro.

Êtes-vous aussi intelligents que Louis-David?

À l'occasion de l'anniversaire de mon ami Louis-David, je lui fais toujours une énigme. Cette année, j'ai été plus gentil que les autres et elle n'est pas en langage shakespearien, ni en japonais, ni en musique codée en allemand. Je vous propose ce que je lui ai soumis, le tout lui a pris une heure.

L’énigme de 2011

a. Pour désigner le méthane
b. Abréviation utilisée pour qualifier une salle d’urgence aux États-Unis
c. Drogue conçue à partir de l’ergot de seigle
d. Esperluette + numéro + 44
e. La même sonorité que la première lettre du surnom de Gimpy lors de l’initiation dans la Clique.
f. ||
g. Selon la notation anglaise, le nom de l’accord majeur où la tierce est ré dièse et la quinte fa dièse.
h. Nom du dépôt de levure morte dans la bière. Ajout d’un accent à la dernière lettre du mot.
i. Nom de domaine de premier niveau de l’Allemagne
j. Premier mot du titre d’une hymne chrétienne
k. Делать
l. Homonyme d’une plateforme, arrondie à l’avant, fixée à un mât.
m. Gamme caractérisée par les intervalles suivants : demi-ton, un ton et demi, 1 ton, 1 ton, 1 ton, 1 demi-ton, 1 demi-ton. L’adjectif qualifiant la gamme doit être changé en nom.
n. Compagnie montréalaise de postproduction située sur Papineau.
o. On y retrouve 31 556 926 unités.
p. 4,0/4,3
q. Plus grand des intervalles conjoints de l'échelle diatonique naturelle.
r. Plante herbacée de la famille des Apiacées.
s. Un alexandrin, un sonnet et une strophe en contiennent.
t. Ce qui est représenté par S.

jeudi 3 mars 2011

Le terroir vu par un Français

Vendredi soir, j’étais convié à un festin chez un ami qui dispose d’un amour inconditionnel de la cuisine et de la bonne chair. Marmiton, sportif, cultivé, il est de plus versé dans l’art de la réception, fin orateur et j’en passe. Il a de plus le culot de me dire qu’il souhaitait ardemment que son repas soit à la hauteur de ce que je lui avais servi la dernière fois (bortsch, kacha et varenikis, le tout servi avec de la vodka ). Pour ceux qui seraient désireux de savoir à quoi étaient fourrés les trois sortent de varenikis : patates bacon et fromage, champignons et aux trois viandes, soit porc, bœuf et veau. Je savais déjà qu’il n’aurait aucune raison de rougir, mais, dès l’entrée, il est venu me chercher par les sentiments : en effet, il a utilisé du cheddar de L'Isle-aux-Grues, vieillit 4 ans, avec de la bette à carde et m’a servi le tout, gratiné, sur un muffin anglais. Or, il faut dire que ma boulangerie m’a fait découvrir le pain au fromage de L'Isle-aux-Grues et que c’est pour moi une occasion spéciale lorsque je m’offre ce pain succulent, qui fait merveilleusement ressortir ce fromage d’exception. Nonchalamment, il m’explique qu’il a cuisiné « à la québécoise » : mes papilles gustatives sont déjà excitées, ma bouche salive et entre deux paroles, mes mains approvisionnent mon gosier en muffin gratinés. Le repas se poursuivit par l’ouverture de la bouteille de vin que j’ai amenée : un petit Tocado, vin rouge espagnol, puis par une soupe aux asperges nappée de crème 45%, et il ne s’agit pas d’une erreur de frappe. La crème était d’ailleurs si puissante qu’elle a, l’espace des premières cuillérées, complètement éclipsée les légumes. Nous nous sommes servis à nouveau et c’était plus goûteux.

Le plat de résistance, servi avec un bon bordeaux Mouton Noir, était un ragoût. Cependant, ce n’était pas n’importe quel ragoût, c’était de l’orignal avec un petit salé de porc, déglacé avec des patates, des navets et des carottes. Il fallait voir les yeux de mon hôte lorsqu’il a parlé de comment il a déglacé le tout, il était en transe et il revivait ce moment avec délectation. Je me suis délecté de mon plat tout comme de l’intervention de mon collègue, de sa passion et de son intarissable verve, qui nous amenait à sentir l’effluve du vin, à entendre son crépitement dans la poêle et à voir les sucs de la viande venir rejoindre le ragoût. Notre conversation s’est naturellement orientée vers les types de demoiselles susceptibles de nous intéresser, nous, célibataires : nous avons déterminé qu’une femme peut être très articulée, brillante et jolie, mais elle doit absolument avoir un amour inconditionnel de la bonne chair et être encline à cuisiner ou du moins, à apprendre à cuisiner.

Nous en étions à ces réflexions (ainsi qu’aux derniers verres de la deuxième bouteille de vin) lorsque nous nous sommes aperçus que notre appétit n’était plus aussi vorace qu’au deuxième service du plat principal. Tranquillement, il a fallu se donner un moment de répit avant d’attaquer le dessert, un croustillant aux pommes que j’avais fait moi-même. Nous avons donc terminé la bouteille avant de prendre un petit vin dessert avec le croustillant, ce qui ne manqua pas de nous éloigné des soucis de ce monde, l’espace d’un instant.

À la fin du repas, nous avons digéré le tout avec une excellente tasse de thé, que mon ami s’est évertué à préparer avec une rigueur qui n’aurait pas déplu aux grands salons de thé de ce monde. Thermomètre à la main, transvide dans le bol, chronomètre qui part et le thé est servi, lentement, et il est à la perfection. On comprend facilement qu’il ne fait pas les choses à moitié, c’est une qualité qui l’honore. J’ai coutume de dire que c’est là une qualité que l’on applique généralement dans l’ensemble des gestes de sa vie.

J’en ai été quitte pour une soirée mémorable et très agréable et je le remercie sincèrement de m’avoir fait redécouvrir la cuisine du terroir.