lundi 16 mai 2011

Yvon mon grand-père

N.B. : Voici l'hommage posthume que j'ai lu à l'occasion des funérailles de mon grand-père Yvon. Je partage ce texte pour les membres de la famille, les proches et les amis qui ont fait la demande d'en obtenir une copie.

C’était un homme droit et intègre, un homme qui préférait donner plutôt que recevoir, car le fait de recevoir a toujours semblé le mettre mal à l’aise. Grand-papa a été un honnête homme qui ne s’est jamais caché de ce qu’il pensait. Sa franchise, parfois rude, témoignait de la qualité de l’homme qui n’a pas à rougir de ce qu’il pense… après tout, c’est mon grand-père!

On voit grand-papa comme un homme ayant toujours beaucoup travaillé : quelqu’un qui n’a lésiné devant rien pour pouvoir mettre du pain et du beurre sur la table de sa famille. J’ai eu l’occasion de raconter ses histoires de briqueteur à plusieurs personnes autour de moi. Moi, je l’ai connu plus tard, alors qu’il s’accordait le plaisir de vivre sa retraite bien méritée. Il m’a toujours semblé fort, il représentait le patriarche de la famille. Il était aussi toujours sûr d’avoir raison… après tout c’est un Beauregard!

Dans ma jeunesse, il nous amenait, avec grand-mère, à la roulotte. Sans être jasant, il savait être d’agréable compagnie. Il attribuait toujours le mérite de ces vacances à ma grand-mère. De même, le curé de la paroisse de St-François ignorait que c’est grand-papa qui avait bâti l’autel de l’église. Il a fallu que le prêtre demande qui l’avait construit pour que grand-père s’identifie comme l'auteur de cette œuvre, car après tout, il était humble.

Grand-papa aimait beaucoup les jeux de cartes : on aura tous joué au Canesta, à la dame de pique ou au Tock avec lui. Il avait une de ses manières de parler de ses adversaires, c’était vraiment un plaisir de l’entendre dire : « bon, tu feras mieux la prochaine fois » quand il rossait un adversaire, parce qu’après tout, c’était un joueur de cartes!

Il est venu un moment où le géant s’est plié : d’abord pour les genoux, puis par la maladie. Encore là, il n’osait pas trop se plaindre et il souffrait en silence. Puis, au crépuscule de sa vie, il a osé, du bout des lèvres, demander quelque chose pour lui : il souhaitait manger du canard à l’orange… puis un cochon de lait ! Il nous aura tous surpris, car après tout, c’était un grand timide!

Puis, couché par la force des choses, terrassé par le mal, il aura pris soin de nous écouter chacun et d’apprécier notre présence autour de lui. Il n’aura pas su le dire par des mots, mais je pense qu’il voulait tous nous dire, « merci » et « je t’aime », car après tout, après avoir tout vu, je pense aussi que le grand timide fut également un grand sensible!

mercredi 11 mai 2011

La bellissima parrucchiera italiana

Ce soir, j’allais me faire couper les cheveux, ce qui est pour moi une obligation comme une autre. Ma coiffeuse se présente à la réception et m’appelle par mon nom : je la suis et je vais m’asseoir à la chaise. Ses yeux bruns sont ensorcelants : cette fille est belle à croquer. Elle me masse longtemps le cuir chevelu une fois au lavabo et je lui fais la remarque que c’est vraiment quelque chose d’agréable. Que vais-je bien lui dire pour animer un peu la conversation? Timide, je me lance dans les sujets plus communs et de fil en aiguille, j’apprends que madame est en fait infirmière et qu’elle fait de la coiffure par intérêt personnel plutôt que pour en faire une carrière. Je lui parle de mon voyage qui j’irai faire en France et elle me parle de son voyage humanitaire en Côte d’Ivoire.

Ce qu’elle est cultivée cette jeune femme! Elle me raconte comment ses collègues et elle se sont intégrées là-bas et les chocs culturels qu’elles ont subis (notamment les fêtes d’excision). Quittant le continent africain, elle me parle de l’Italie de ses parents, de son petit village où ses grands-parents font le fromage, le saucisson, l’huile d’olive et le lavage de manière artisanale.

L’espace d’un instant, je m’imagine ces presses à olive et le saucisson qui sèche, suspendu à une grange en bois. Elle me parle de la mozzarella di Buffala, un fromage divin que j’ai aimé sans pouvoir lui rendre justice avec des mots. Je me revoyais, à travers l’évocation de ce fromage, à Paestum, à le déguster à nouveau et je salivais à l’idée de retrouver cette saveur.

Ses yeux bruns pétillent, je ne peux m’empêcher de la fixer. Je lui parle des tortelli de Michelangelo et elle me demande de les lui décrire. Je la vois elle aussi porter de l’intérêt à cette nourriture divine, alors que nous abordons le mascarpone, les doigts de dame et immanquablement le tiramisu.

J’aurais peut-être dû lui demander si elle aurait aimé prendre un café… en y réfléchissant, le peut-être dans la phrase est de trop : maudit sois-je pour être aussi gêné!