samedi 30 octobre 2010

10 ½

Je crois qu’il s’agit d’une première, je n’ai pas souvenance d’avoir déjà écrit un billet concernant un film. En effet, en termes de cinéma, ma culture ne soutient aucune comparaison : le 7e art est pour moi, un peu comme disait Churchill de l’URSS : un mystère enrobé d’une énigme. Laissez-moi cependant vous offrir mon interprétation du dernier film de Daniel Grou (dit Podz), qui traite d’un sujet très en lien avec ma vie professionnelle : la dure réalité des éducateurs (et la perspective d’un enfant bien mal avec lui-même).

La première chose qui m’a frappé, c’est la dureté du début. Étant un peu blindé, je n’ai pas particulièrement réagi à cette réalité, mais elle est bien réelle et elle est un écho fidèle d’un jeune abandonné à lui-même. Tout au long du film, le silence, pesant, le manque de dialogues et l’atmosphère étouffante de la garde fermée nous imprègnent d’un malaise constant, d’un genre d’enfer pour claustrophobe, surtout dans la tête! Lorsqu’on voit à quel point les jeunes sont impitoyables entre eux, cela nous ramène à la cruauté de l’enfance, particulièrement prépondérante dans les Centres Jeunesses.

La relation dépeinte dans le film, entre l’éducateur et le jeune Tommy, était très crédible. Claude Legault est crédible dans son rôle, quoiqu’il dépeigne un portrait assez idyllique de l’éducateur modèle. Pour ce qui est de Tommy, il est un peu plus inconstant et on décroche parfois lors des dialogues avec son père. Par contre, lors de ses crises, on se croirait sur le plancher. Une toute petite scène est venue me chercher avec autant de violence que le film tout entier : l’éducateur dit à Tommy qu’il a bien été aujourd’hui et qu’il va devoir lui trouver une récompense. Aussitôt, ce dernier se met à manger avec ses doigts et il saborde ce succès qu’il allait vivre. Une réalité aussi horrible à voir qu’à constater.

Je vous recommande donc d’aller voir ce film que j’ai beaucoup apprécié. Les plans de caméra sont très intéressants et une atmosphère particulière, lourde, intensément chargée en émotions. Il s’en dégage un peu de ce qu’on peut vivre dans la réalité de l’intervention et le scénario est convaincant.

Au plaisir d’entendre vos commentaires!

lundi 25 octobre 2010

L’affaire est dans le sac

En sortant de la bouche de métro, il marche d’un pas rapide, il a l’air pressé par le temps. Il longe plusieurs rues. En attendant à la lumière, il tape du pied. Il reprend son chemin sans s’arrêter, jusqu’au moment où il arrive à destination et ouvre une grande porte. Une fois à l’intérieur, il se fait introduire à Rodolfo, le chef qui l’instruira sur l’art des aumônières au saumon, des baluchons poulet et chorizo et des bananes flambées au rhum. Ce sera un cours très intime, seuls deux autres convives seront de la partie, deux femmes tout juste retraitées, qui viennent stimuler leur plaisir à cuisiner.

Rodolfo est diplômé de l’école Cordon Bleu à Paris (2007). Ce Brésilien d’origine a travaillé ici et là et il est arrivé au Québec dernièrement. Ayant œuvré dans quelques établissements gastronomiques du centre-ville de Montréal, il a réalisé qu’il désirait davantage partager sa passion culinaire par l’entremise de l’enseignement. Ses yeux pétillants révèlent une âme éprise d’une passion insatiable, vibrante et contagieuse pour son domaine de prédilection.

Le nouveau venu s’installe timidement à sa place de travail, où sont installés deux couteaux : l’un de chef et l’autre d’office. Après une brève poignée de main avec ses convives sexagénaires, nommées Marjolaine et Josée, Rodolfo lui offre la place derrière le poêle à induction pour commencer le caramel au beurre salé. Assez rapidement, le sucre commence à fondre et il est temps de rajouter le beurre, puis la crème 35 %. Le temps d’aromatiser le tout avec un mélange broyé de poivre blanc, de gingembre, de cannelle et de clous de girofle, puis le principal intéressé dépose la casserole à l’extérieur de la plaque de cuisson.

L’homme, tantôt stressé et tendu, est maintenant à son aise. Il coupe, avec ses comparses, les légumes d’accompagnement. En suivant les conseils du chef, il arbore un grand sourire béat. Josée saisit rapidement les blocs de saumon à la poêle, tous justes assaisonnés de sel et de poivre fraichement moulu. Il salive en regardant la scène, au plus profond de lui, il se régale déjà des yeux. Il jubile, son système dopaminergique fonctionne à plein régime. Il apprend enfin un signe avant-coureur d’un saumon raté : s’il se dégage de l’albumine, le poisson est alors trop cuit. Avec la pâte phyllo, ses comparses et lui emballent chacun un morceau de saumon. Subséquemment, ils bouclent tous leur aumônière avec une échalote française passée à l’eau chaude. La préparation repose pendant que l’on termine les légumes (carotte, zucchinis, échalote française, poivron rouge, oignon blanc, ail). On fait bien sûr cuire les carottes à part, pour les rajouter à la toute fin. L’huile de canola est utilisée à la cuisson : elle se distingue des autres, car elle ne contient pas d’aspérités qui se dégraderont à la cuisson, comme avec l’huile d’olive par exemple. Pour aromatiser le tout, une pincée de graines de coriandre moulue, du curcuma, du persil et un fond de vin blanc. Les carottes viennent rejoindre la mixture, puis, à la toute fin, la main de Rodolfo ajoute nonchalamment de l’huile d’olive, une fois le plat retiré du feu.

Les aumônières au four, on dresse les assiettes à risotto pour garnir le fond de légumes chauds et croquant tout en décorant l’assiette avec une réduction de vinaigre balsamique. On pose l’aumônière au-dessus des légumes et on le garnit avec des pousses de moutarde.

Il s’assoit à la table avec ses nouveaux convives, ils commandent ensemble une bouteille de Pinot Noir, l’homme s’installe à son aise, il se sent bien. Ensemble, ils portent un toast à la santé, se souhaitent mutuellement bon appétit et attaquent l’entrée sans autre mesure. Chaque bouchée fond dans la bouche, le saumon se soutient bien dans la pâte phyllo et les légumes, encore assez croquants, sont juste assez relevés pour que leur saveur naturelle soit rehaussée par les épices utilisées.

De retour à la cuisine, armés de leur verre de vin, ils s’attaquent au second plat, un baluchon au poulet et à la saucisse chorizo, avec une salade aux concombres, aux oignons rouges, nappée d’une vinaigrette à la moutarde de Dijon, à l’huile d’olive, au miel et au vinaigre de citron. Très simple, la pâte Brick, badigeonnée des deux côtés d’une bonne couche de beurre fondu, sert à marier le poulet préalablement doré (des hauts de cuisse) au chorizo. Plus ferme que la pâte phyllo, on peut s’amuser à la triturer dans toutes les formes, tant elle est polyvalente et malléable. Encore une fois, au four, le temps de brunir cette pâte, puis dans l’assiette, garnie de la salade et d’un bouquet de pousses de moutarde.

De nouveau à table, avec Rodolfo cette fois, ils s’amusent ferme. Le chorizo, bien qu’assez fort, ne jure pas avec le reste et, au contraire, rehausse le poulet. Le Pinot Noir, dont on ne tarira jamais d’éloges, est assez fort pour soutenir cet accord, bien qu’on sente qu’il s’agit de la limite entre le fin alliage de robustesse à la délicatesse par rapport à l’accord du plat qu’il doit soutenir. Le fait qu’il ait passé l’oignon rouge à la mandoline fait en sorte que l’homme, habitué à conspuer les amateurs d’oignon, mange sa salade avec cœur, commettant même l’hérésie de s’en servir une deuxième portion, bien entendu accompagnée d’un autre baluchon (mais quel goinfre)!

Puis, pour la finale, nos trois protagonistes, accompagnés de leur chef, se rendent une dernière fois à la cuisine, question de préparer le dessert. Le chef le désigne encore, pour qu’il fasse flamber les bananes au rhum. L’homme, tout sourire, s’exécute avec un malin plaisir, d’autant plus que les flammes atteignent presque un mètre de hauteur. Il éteint le feu en remettant la poêle sur le rond et cette dernière meurt tranquillement dans un étrange silence. Le temps de mettre quelques tranches de brioche à cuire (au beurre bien entendu) et de garnir généreusement nos assiettes de crème glacée, ils retournent une ultime fois à la cuisine, pour déguster le fruit de leur labeur. Rodolfo parle beaucoup de son amour de la gastronomie et ses paroles semblent être, pour ses convives, aussi délicieuses que le désert qu’ils consomment et que le café que leur hôte leur a si gentiment préparé. L’homme est repu, Marjolaine et Josée le sont également, ils saluent chacun leur tour le chef, à qui chacun d’entre eux laissera un généreux pourboire pour être parti plus d’une heure après la fin des activités. Ils rentreront tous ensembles, souriants, laissant derrière eux un Rodolfo ému et ayant visiblement passé une bonne soirée.

mercredi 20 octobre 2010

Le droit et le coup double : éduquer ou réprimer?

Après la lecture d’un article portant sur le « coup double », un sandwich dangereux de PFK, j’ai eu l’impression de recevoir un direct en pleine face : l’Ontario songeait à interdire ce sandwich… la santé publique aurait donc préséance sur le droit individuel?

Ce « coup double », considéré comme étant monstrueux parce qu’il contient 540 calories, 30g de gras et 1,74 g de sodium, n’a rien d’extraordinairement décadent, si on le compare à 100g de Tostitos (520 calories, 26 g de gras, 0,4 g de sodium) accompagné de 100 mL de salsa du marché (qui contient notamment 0,9 g de sodium). Je pense également à mes pierogis, que j’ai eu l’indécence de faire revenir dans du beurre et de servir avec de la crème sure. Que dire alors des restaurants haut de gamme, qui servent des frites cuites dans la graisse, des sauces à la crème 35% et des pâtisseries purs beurre (ils s’en vantent). Doit-on interdire le Tripple Whopper, avec ses 1250 calories, le trio de croquettes de poulet chez McDonald (516 calories pour dix morceaux de poulets, 560 calories pour les frites de grand format et 230 calories pour un grand thé glacé) et le gâteau Saint-Honoré à 1131 calories par portion? Que dire de nos copieux repas du temps des fêtes, de cabane à sucre et de tous autres festins qui ponctuent les événements de notre vie? La direction de la santé publique devrait-elle faire une descente chez moi pour jeter mon saindoux?

Que je sache, l’alcool et les jeux de hasard détruisent beaucoup plus de vies que la consommation de nourriture grasse. Interdit-on pour autant certains produits qui pourraient être plus nocifs que d’autres? Est-ce qu’on se gêne pour faire de la publicité sur ces derniers (bien sûr que non, ce sont des sociétés d’État)? L’état s’est mis dans la tête de régler le cas du tabagisme : aucune publicité, interdiction de fumer dans les lieux publics, messages dissuasifs sur les emballages et maintenant, les paquets doivent être cachés sous des présentoirs. J’en suis à me questionner à savoir s’il est mieux vu au Québec de fumer un joint qu’une cigarette? Il y a cependant un problème, la nourriture-minute constitue également un problème de santé publique ayant pris des proportions alarmantes. Il est même possible que les générations futures vivent moins longtemps que leurs parents. Je pose la question : l’état devrait-il taxer la malbouffe comme il le fait avec les produits du tabac? Si nous poussons dans cette logique, les gens qui ne font pas de sport devraient-ils payer une taxe d’inertie?

En toute sincérité, je ne sais pas que penser par rapport à la question de choix, sinon que la situation actuelle mérite d’être corrigée. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec le principe d’un état totalitaire, qui me dicte ce qui est bon pour moi… il parait d’ailleurs que les Nord-Coréens, les Cubains, les Chinois, les Laotiens et les Vietnamiens en font les frais (sans parler des Birmans, des afghans, des Biélorusses et j’en passe). Par ailleurs, le libre-choix implique d’être correctement informé sur les produits qu’on nous offre et de pouvoir comprendre ces informations. Quand on sait que 38 % des Québécois souffrent d’une forme d’analphabétisme, on peut être en droit de s’inquiéter. L’état actuel des choses me suggère qu’une campagne de sensibilisation pourrait être salutaire.

Je souhaiterais vous entendre et j’attends avec impatience vos opinions.