Un gouvernement qui voudrait donner l’exemple retirerait d’abord
le fameux crucifix de l’Assemblée nationale. Ce symbole ne date pas de la
création du bâtiment, le concept de la séparation de l’état et de la religion
étant à l’honneur dès le début de son fonctionnement. Le crucifix a été placé
en 1936, par Maurice Duplessis, pour montrer que son gouvernement se voulait
plus à l’écoute des principes catholiques.
Étant à priori pour le fait de laisser cette croix qui m’apparaissait
bien innocente en place, mon ami Carl Gagnon a fait cheminer ma réflexion en me
posant cette question : « Si, à la place du crucifix, il y avait
eu un tableau de l’armée de Wolfe massacrant l’armée de Montcalm, trouverais-tu
que la valeur historique de ce tableau permettrait qu’on le laisse dans l’Assemblée
nationale? ». Après avoir entendu la question, mon air dubitatif m’a
montré à quel point mon premier raisonnement ne tenait pas la route et j’ai
donc changé mon fusil d’épaule : l’idée que nos décisions politiques
seraient orientées par l’inféodation de notre nation par les Britanniques me
répugne au point de vouloir en vomir.
Par rapport au port de symboles religieux, je laisse mes
valeurs laïques au vestiaire pour baser ma réflexion par un document de la Constitution canadienne,
la Charte
canadienne des droits et des libertés. Dans le domaine juridique canadien, la
suprématie de la charte canadienne prévaut (article 52 de la Charte constitutionnelle de
1982) sur les dispositions législatives. La Cour suprême du Canada est l’instance qui tranche
par rapport à l’interprétation de cette dernière. Or, cette charte garantit la
liberté de religieux et la jurisprudence invaliderait (probablement)
automatiquement une charte des valeurs québécoises où les signes religieux ne
seraient pas admissibles dans la fonction publique. Ainsi, tant que nous
garantirons la liberté de conscience et de religion ainsi que la liberté d’expression
dans un document constitutionnel, il me semble qu’on ne peut pas imposer « des
valeurs québécoises » pour un peuple qui ne veut même pas retirer un
maudit crucifix de son assemblée nationale.
Ultimement, les seules personnes qui gagneront à continuer à argumenter sur ce sujet seront les avocats.