jeudi 7 mai 2009

Le jeune homme perdu dans la ville

Certains me diront distrait, étourdi, bohème même, mais le jour d’un bal, je ne savais ni à quoi ressemblerait mon costume, ni même où était ce fichu bal. Je me suis levé, tard, mais lorsque j’ai passé ma main dans mes cheveux, au lieu mon air hirsute, j’ai trouvé une série de petits poils bien dressés : j’avais poussé le luxe de l’entretien jusqu’à me tondre la tignasse. J’ai poussé cette minutie en rasant ma barbichette et j’ai même été jusqu’à me limer les ongles, une hérésie rare dans mon cas!

J’ai enfilé un costume après m’être douché. Cravate de soie, chemise blanche, costard coloré, épingle à cravate, rien n’a été négligé : pour un homme de ma trempe, on ne fait pas deux fois une impression en complet ! Je me dirige donc vers un lieu de beuverie, histoire de retrouver mes camarades avant le bal en question. Je m’inquiète de leur absence et je m’inquiète bien davantage lorsqu’en apostrophant une serveuse, je me rends compte qu’il n’y a pas de réservation! Où suis-je ? Où, plus judicieusement, où est mon bal ? Je dois absolument trouver un café Internet, je ne suis même pas certain du nom de la place.

Le réflexe habituel est de ressasser ses souvenirs pour trouver un ordinateur muni d’un accès Internet pour retrouver ces informations cruciales : je me dis que l’Escalier Bleu dispose du matériel dont j’ai besoin. Pour ceux qui ignoreraient ce qu’est cet endroit, il s’agit d’un café/bar grano-hippie. Tous, clients comme serveurs, sont attriqués avec des vêtements d’une autre époque et je pousserais même ma description en disant que certains habitent probablement des communes. J’ai souvent eu l’air d’un extra-terrestre dans ma vie, mais c’est probablement la fois où cela jurait le plus avec le décor, d’autant plus que je n’aime pas particulièrement la prétention des habits. Je trouve donc le lieu de mon bal et j’y marche à un bon rythme.

Tout le monde semble s’être mis sur son 36 : nous sommes quatre gars, pour au moins 60 filles. Elles sont toutes magnifiques dans leurs robes de soirée : même mes compères masculins ont troqué leurs jeans et leurs vieux gaminets pour des habits respectables. Becs gentils, compliments, bonnes manières, humour, attitude détendue, interminables flashs, la soirée se ponctue de bonnes manières mêlées à beaucoup de reconnaissance. C’est assez ironique, car c’est à cette occasion que j’ai appris à connaître des filles qui auront étudié trois ans avec moi, sans que l’on se parle autrement que pour se saluer.

La musique était moche, mais l’important, c’était plus la présence de tout ce beau monde, pour plusieurs, cela aura été la dernière fois. Je n’en suis pas nécessairement triste, on garde contact avec les personnes qu’on aime, mais je dois ajouter à cette réflexion qu’on perd l’occasion de découvrir celles que l’on n’a pas pris le temps de connaître. Je vais m’ennuyer de deux choses : l’énergie qui compose cette masse grouillante d’individus et leur amour inconditionnel pour leur travail et pour les leurs. Lorsque le moment de la séparation est venu, je ne suis pas de ceux qui ont pleuré, ni même qui vivaient de l’amertume à l’idée de ce départ forcé. Stoïcisme ou manque d’ouverture, le temps me le dira. C’est un au revoir difficile à porter au sens où je ne sais pas exactement comment se composera ma vie l’année prochaine, sans l’apport quotidien de plaisir de mes collègues de classe. Néanmoins, je reste serein à cette idée. J’aimerais profiter de cette occasion pour laisser un mot à mes collègues que je ne reverrai probablement pas : malgré ma distance avec vous, je vous ai toutes appréciées pour ce que vous êtes, pour votre passion, votre énergie et votre dévouement. Je regrette de ne pas avoir eu plus de temps pour faire plus amplement votre connaissance, mais je profite de l’occasion pour vous souhaiter une excellente carrière, beaucoup de bonheur dans vos vies respectives. Gardez toujours la flamme, ne baissez jamais les bras, vous êtes toutes fortes!

Enfin, pour les personnes qui ont une place toute spéciale dans mon cœur, que je reverrai selon toutes probabilités, je tiens tout d’abord à vous remercier pour votre support, votre écoute et votre disponibilité. Vous avez été des atouts dans ma vie, je ne saurais à quel point insister sur ce dernier détail. Je ne suis pas inquiet pour vos carrières, vous saurez vous démarquer, parce que j’ai pu vous identifier. J’éprouve un grand sentiment de reconnaissance à votre égard et j’espère avoir la chance de vous côtoyer encore longtemps. Ces personnes sauront se reconnaître. Comme nous sommes tous un peu angoissés par les aléas de la vie, j’aimerais simplement partager cette réflexion que j’ai dû avoir et que je continue de garder en tête pendant la période extrêmement difficile que je traverse : « battez-vous, ne baissez jamais la garde, encaissez s’il le faut, mais le jour où vous ne vous battrez plus, vous serez morts ».