dimanche 15 juin 2008

Vasistas

Vacuité, vacuité, que de choses je vois en ton nom, comme si la vie n’était qu’une quête à travers l’inutile et le superflu. En quelque sorte, j’ai l’impression que le remords, c’est l’arrière-goût de notre consumérisme en tant que société. Tout est vain finalement, il n’y a rien qui perdure, qui donne une saveur durable (le mot est à la mode) à un plat fade, saupoudré d’émulsifiant au gré des vents et des fantaisies, néanmoins fade à la base.

Un des dilemmes actuels, c’est le côté amorphe et ancré d’une société supposément toujours en mouvement, une autre déception amère s’offre à nous lorsqu’on décide de mettre à jour notre quotidien : à travers un culte de la perfection qui ne fait que nous asseoir à côté de l’insatisfaction chronique, nous nous défigurons chaque jour. Pour nous consoler, quand nous sommes si seuls que même le temps ne veut plus de nous, nous appelons cela être libre.

Nous vivons sous un soleil luminescent, assez pour nous cuire une fois pour toutes. Nous sommes des êtres qui se complaisent dans l’ignorance : nous réchauffons l’extérieur pour être mieux à l’intérieur, isolé, pour geler en plein soleil, individualiste que nous sommes. C’est beau l’écologie : nous sommes fiers de nous préoccuper de notre environnement, c’est tellement à la mode d’acheter des sacs durables que nous n’utilisons pratiquement jamais, de scander des slogans qu’on ne comprend pas, de s’appeler une partie de la solution en mangeant du Kraft Dinner biologique…

Vive l’humanité, l’étendard de notre salut, devant les guerres fratricides et celles, plus proches de nous occidentaux, qui concernent les prix d’un liquide noir et visqueux qu’on s’arrache à prix d’or. Au diable la crise alimentaire, j’ai déjà envoyé mon chèque de deux dollars pour sauver un enfant en Birmanie quand je suis allé me chercher un nouveau rein importé d’Afrique à ma clinique privée. On s’en va tout droit vers l’autodestruction : la chose de bien c’est que peut-être qu’on finira par disparaitre. Entre temps, on pourra toujours s’envoyer des commentaires de nos visages candides dans nos profils Facebook ou écouter Sexe à New York, c’est tellement édifiant!

Sur ce, je pense que je vais retourner à mes affaires et quand l’idée folle me prendra de sourire, je ferai un rictus en coin, c’est plus artistique ainsi. À bien y penser, je pourrais peut-être exposer ce sourire dans une galerie d’art moderne…

samedi 7 juin 2008

Morose

Il me semble encore que c'était hier que je quittais le monde collégial pour rentrer à l'université, le temps d'une peccadille beaucoup trop longue en génie logiciel, qui m'a coûté très cher sur le plan émotif. Je me revois encore, sillonnant mon appartement de long en large, un livre à la main, angoissé par la solitude excessive et par des études qui ne m'apportaient aucun réconfort. Des fêtes me permettaient à l'occasion de m'évader de ma tête trop pleine. C'était hier il me semble, que la douce main de Camille touchait mon dos pendant que je l'embrassais langoureusement à la station de métro Berri-UQAM, vivant le plus beau moment de ma vie. Une fraction de seconde plus tard, cet amour éphémère allait me donner la claque de ma vie.


L'été, l'angoisse, le regroupement aliments d'ici, les cheveux longs, le désespoir, l'attente interminable pour être accepté en psychoéducation et la psychologue qui tentait de donner un sens à toutes mes expériences éparses. La chanson en disait long : « Plus rien n'a de sens, plus rien de va ». Les spleens, la drogue, le mouvement étudiant, les études, les étés qui se succèdent et qui se ressemblent, où l'on travaille pour tenter de mieux vivre et où finalement on ne voit même plus la vie passée. Les livres, ces interminables bouquins qui sont pleins de poussière et que l'on commence sans vraiment savoir si un jour on en viendra à bout. Ces livres qui nous apportent tant de bonheur quand on peut les apprécier.


L'alcool, les fêtes qui se succèdent et qui finalement, sont toujours pareils. Les amis, la famille, les voyages, les connaissances, les travaux, pas d'amour, ça, c'est une constance. Le rejet de l'être féminin a détruit toute possibilité de chanter tout haut ce que Gilles Vigneault clamait : « Les amours, les travaux, même le chant d'un oiseau, ton coeur, mes mots, font tourner le monde ».


J'ai parlé, j'ai marché, j'ai dû user trois ou quatre paires de souliers de bonne qualité, j'ai pleuré, j'ai ri, j'ai bu, j'ai chanté, je suis tombé, je me suis relevé, j'ai joué de la guitare, j'ai griffonné quelques mots que j'ai appellé un roman et que mes amis, ceux qui sont vraiment mes amis, m'ont dit que c'était de la merde... tout ça pour me rappeler Flaubert que je hais.


Ah oui, car si j'ai aimé, j'ai très certainement haï. Je suis thanatique jusque dans mes pensées : je me vois toujours en train de commettre des meurtres, de faire souffrir, de faire mal, de blesser, de détruire, de torturer, d'agresser, de voir du sang et de rire... un rire gras, inhumain, méchant, qui fait sentir que si je ne peux pas me complaire dans la joie d'être éclairé par Éros, j'allais au moins en faire payer le prix à tous les autres qui me blessent en étant heureux. Ce rêve de maîtriser les armes à feu et l'épée et cette fascination pour tous les dictateurs communistes ont sûrement des traits communs avec ce côté sombre.


La vigueur, celle qui caractérise l'homme qui, acculé au pied du mur, se lève et rugit, qui combat jusqu'à ce que la dernière goutte de sang tombe, qui se bat sans relâche telle la grenouille d'Arlette Cousture, semble se dissiper avec les années. Je n'ai plus cette impression d'être en communion avec le monde et d'être inspiré par une idylle sans fin lorsque j'étais enflammé, nourri d'une verve intarissable. Il semble qu'avec les années, on devient plus calme, moins agité, moins colérique, moins énervé, moins vivant quelque part. J'aimais m'enflammer comme un feu d'amadou pour un oui ou pour un non, simplement pour crier bien haut que j'étais vivant. Aujourd'hui je vis, je travaille, je rentre bien gentiment chez moi, je crochète à gauche, à droite, sans sentir l'extase de l'excès. Je finis invariablement par rentrer, par dormir et me réveiller moins morose.