jeudi 3 mars 2011

Le terroir vu par un Français

Vendredi soir, j’étais convié à un festin chez un ami qui dispose d’un amour inconditionnel de la cuisine et de la bonne chair. Marmiton, sportif, cultivé, il est de plus versé dans l’art de la réception, fin orateur et j’en passe. Il a de plus le culot de me dire qu’il souhaitait ardemment que son repas soit à la hauteur de ce que je lui avais servi la dernière fois (bortsch, kacha et varenikis, le tout servi avec de la vodka ). Pour ceux qui seraient désireux de savoir à quoi étaient fourrés les trois sortent de varenikis : patates bacon et fromage, champignons et aux trois viandes, soit porc, bœuf et veau. Je savais déjà qu’il n’aurait aucune raison de rougir, mais, dès l’entrée, il est venu me chercher par les sentiments : en effet, il a utilisé du cheddar de L'Isle-aux-Grues, vieillit 4 ans, avec de la bette à carde et m’a servi le tout, gratiné, sur un muffin anglais. Or, il faut dire que ma boulangerie m’a fait découvrir le pain au fromage de L'Isle-aux-Grues et que c’est pour moi une occasion spéciale lorsque je m’offre ce pain succulent, qui fait merveilleusement ressortir ce fromage d’exception. Nonchalamment, il m’explique qu’il a cuisiné « à la québécoise » : mes papilles gustatives sont déjà excitées, ma bouche salive et entre deux paroles, mes mains approvisionnent mon gosier en muffin gratinés. Le repas se poursuivit par l’ouverture de la bouteille de vin que j’ai amenée : un petit Tocado, vin rouge espagnol, puis par une soupe aux asperges nappée de crème 45%, et il ne s’agit pas d’une erreur de frappe. La crème était d’ailleurs si puissante qu’elle a, l’espace des premières cuillérées, complètement éclipsée les légumes. Nous nous sommes servis à nouveau et c’était plus goûteux.

Le plat de résistance, servi avec un bon bordeaux Mouton Noir, était un ragoût. Cependant, ce n’était pas n’importe quel ragoût, c’était de l’orignal avec un petit salé de porc, déglacé avec des patates, des navets et des carottes. Il fallait voir les yeux de mon hôte lorsqu’il a parlé de comment il a déglacé le tout, il était en transe et il revivait ce moment avec délectation. Je me suis délecté de mon plat tout comme de l’intervention de mon collègue, de sa passion et de son intarissable verve, qui nous amenait à sentir l’effluve du vin, à entendre son crépitement dans la poêle et à voir les sucs de la viande venir rejoindre le ragoût. Notre conversation s’est naturellement orientée vers les types de demoiselles susceptibles de nous intéresser, nous, célibataires : nous avons déterminé qu’une femme peut être très articulée, brillante et jolie, mais elle doit absolument avoir un amour inconditionnel de la bonne chair et être encline à cuisiner ou du moins, à apprendre à cuisiner.

Nous en étions à ces réflexions (ainsi qu’aux derniers verres de la deuxième bouteille de vin) lorsque nous nous sommes aperçus que notre appétit n’était plus aussi vorace qu’au deuxième service du plat principal. Tranquillement, il a fallu se donner un moment de répit avant d’attaquer le dessert, un croustillant aux pommes que j’avais fait moi-même. Nous avons donc terminé la bouteille avant de prendre un petit vin dessert avec le croustillant, ce qui ne manqua pas de nous éloigné des soucis de ce monde, l’espace d’un instant.

À la fin du repas, nous avons digéré le tout avec une excellente tasse de thé, que mon ami s’est évertué à préparer avec une rigueur qui n’aurait pas déplu aux grands salons de thé de ce monde. Thermomètre à la main, transvide dans le bol, chronomètre qui part et le thé est servi, lentement, et il est à la perfection. On comprend facilement qu’il ne fait pas les choses à moitié, c’est une qualité qui l’honore. J’ai coutume de dire que c’est là une qualité que l’on applique généralement dans l’ensemble des gestes de sa vie.

J’en ai été quitte pour une soirée mémorable et très agréable et je le remercie sincèrement de m’avoir fait redécouvrir la cuisine du terroir.

1 commentaire:

Le Beau Parleur a dit...

Haha ! Quelle surprise j'ai eu dans mon Google Reader ce matin !

Merci pour ta chronique au combien élogieuse, je suis très flatté et content que ça t'ai plu !

La prochaine, on fait la bouffe française vu par un québécois ;)