mardi 17 juillet 2007

Une route inconnue prise pendant 23 ans

Je vais chaque année voir mes grands-parents entre une et quatre fois aux Bergeronnes sur la Côte-Nord. Pour se faire, il faut emprunter la route l’autoroute 40 et suivre la route 138. Peu avant Québec, mes parents et moi sommes pris d’une envie de déjeuner. Étant le conducteur, mon attention s’arrête sur un panneau indiquant un restaurant «le Normandin» à la prochaine sortie. Voyant qu’il s’agit de la route amenant à Deschambault, mon père me dit qu’il s’agit d’un des plus beaux villages du Québec.

Nous nous stationnons donc au restaurant et nous discutons de bien des choses en mangeant copieusement un déjeuner de camionneur. Après avoir terminé le festin, je demande si tout le monde serait d’accord pour aller se promener à Deschambault, que je n’ai jamais vu de ma vie. Il s’agit donc du premier « road-trip » que j’ai fait avec mes parents.

Nous sommes arrivés au village de 1300 âmes pour y voir son fameux presbytère, classé monument historique par la commission du même nom en 1965. Après avoir admiré la vue pittoresque qui s’offrait à nous, nous avons investi l’église pour découvrir qu’ellee datait de 1835 et qu’il y avait actuellement une exposition à thématique de lin. Une des pièce maîtrise était une dispersion de différentes fleurs (elles n’étaient pas collées et pouvait s’envoler au vent) qui faisait une espèce de toile. Cette pièce était basée sur un principe de la religion bouddhiste, le même qui régit ses fameuses peintures de sable créés par des mois de travail de plusieurs moines puis détruites dès leur finalisation.

L’exposition regroupait des pièces à base de lin, lequel subissait le rouissage, technique traditionnelle consistant à faire sécher les tiges de lin dans le champ en les laissant reposer pendant un mois avant de les récolter pour les peigner, soit de dénuder les branches de leurs fruits et de leur écorce. Cela nous a permis d’apprendre que le linoléum est conçu avec du lin.


Par la suite, nous avons été au vieux presbytère (datant de 1816) où se continuait l’exposition sur le lin. Après avoir vu une création artistique ayant nécessité 21 jours et plusieurs bénévoles (un genre de courant d’air passant d’une cheminée à l’arbre au fil d’une grande pièce de réception), notre guide a parlé de l’architecture typique du début du XIXe siècle et des rénovations qu’a subi le presbytère.

Il nous a également expliqué que la Citadelle aurait dû être construite sur la pointe du cap Lauzon (le lieu où se trouve les bâtiments dont on parle ici) à cause de sa position stratégique : des rapides, un cap s’allongeant vers l’eau et le fait qu’à marée basse, les bateaux doivent s’arrêter. La ville de Québec aurait été construite selon des desseins politiques et non logistiques… Après tout, Deschambault fut la dernière ville à capituler aux anglais en 1762 et d’ailleurs, lors de l’attaque du général Murray, 20 villageois ont héroïquement repoussés 1000 soldats anglais, de quoi enorgueillir son visiteur!

L’exposition se terminait par une exposition de vieux motifs à points (pour la broderie) sur feuille de lin dans les fondations du grenier du presbytère, dont la constitution émerveille même le cœur le plus insensible à l’architecture. Par après, nous avons visité le vieux magasin général, comme celui de mon grand-père. Nous avons trouvé de vieilles bouteilles de bière Dow, des croustilles Dulac, des livres de bienséance qui dataient du début du siècle passé, des manuels scolaires avec lesquels mon père et ma mère ont été à l’école, de vieilles boîtes de tabac, des pintes, des demiards et des chopines de lait, du linge d’époque, des skis d’autrefois… une boite à souvenir pour certains et un grenier à objets d’une autre époque pour moi.

Nous sommes retournés sur la route, comme dirait Kirouac, pour continuer notre chemin jusqu’à une autre place où nous avons souvent passé, mais où nous ne sommes jamais arrêtés, la ville de mon ancêtre Phamphile Guay, Baie St-Paul. Là encore, pris de cette frénésie de découvertes, nous avons pris notre dîner sur place, dans le centre-ville à tendance hip, aux influences trendy et décidément touristique. J’ai pu enfin goûter à de la bière de Charlevoix, dont la Dominus Vobiscum.

Tout ça pour dire que si je fais le chemin entre Laval et Grandes-Bergeronnes depuis que je suis né, prendre le temps d’arrêter dans quelques endroits est une expérience nouvelle qui émancipe l’être et qui fait en sorte de mieux apprécier le Québec où nous vivons. De par son histoire, sa culture, son architecture ses gens et ses sourires, la route nous parle réellement et nous permet de garder contact avec notre patrimoine et nos semblables.

2 commentaires:

Carl inc. a dit...

C'est le temps de sortir ma citation préférée sur le sujet: Le voyage, ce n'est pas le voyage, ce sont les voyageurs eux-mêmes... Fort instructif... Toutefois, tu parles relativement peu de nourriture! C'était bien ordinaire, ou simplement que vous n'avez pas cherché les foyers de la gastronomie en ces terres reculées? ;)

Oscar Chica a dit...

Mon cher ami,

Je vois que tu as ressenti en parcourant ton pays natal ce que j'ai ressenti en parcourant le mien : un puissant sentiment d'identification. Mais je crois qu'après avoir parcouru le Salvador, j'ai envie de parcourir le Québec, parce que malgré mon "orgullo salvadoreno" récemment découvert, je ne pourrais jamais nier qu'une partie importante de mon identité trouve sa source dans le génie de ta race, que je continue à aimer comme la mienne.