jeudi 22 avril 2010

La vaisselle (fiction)

Aujourd’hui, à mon travail, j’ai voulu laver ma vaisselle. J’ai donc enduit l’éponge de la mixture savonneuse, puis on a tapé trois fois sur mon épaule droite. Surpris, je me retrouve nez à nez avec une femme potelée, qui m’invective ainsi :«Spencer, que croyez-vous que vous faites ». Pour toute réponse, je lui offre mon plus beau sourire et je réponds candidement : « Je lave ma vaisselle, madame St-Louis ».

La fonctionnaire me pointe une fiche usée sur le mur adjacent au lavabo et elle me dit ses paroles préenregistrées : « Monsieur Spencer, il faut vous remplir la fiche : nom, prénom, matricule et heure d’utilisation ». Les conditions sont on ne peut plus claires, mais pourquoi diantre n’y ai-je pas pensé plus tôt? Je me retrouve à hausser les épaules et à tourner les paumes de ma main vers le haut, ayant vainement cherché dans mes poches un crayon pour obtempérer aux directives de la vieille chipie. La principale intéressée me dévisage et m’indique que si je désire obtenir un crayon, je dois remplir le formulaire de réquisition C-45 - matériel de bureau, l’adresser au chef de mon département par la voie du courrier interne et faxer une copie de ma demande à la secrétaire responsable de l’approvisionnement.

Exaspéré, je lui demande néanmoins poliment de me prêter le sien pour simplifier la chose, ce qu’elle me refuse catégoriquement. Je sens la colère me monter à la tête et je lâche l’assiette dans l’évier, ce qui ne manque pas de choquer la fonctionnaire atteinte de crétinisme profond. Je fronce les sourcils et je déclenche les hostilités de front :
- « As-tu eu une mauvaise soirée hier, Irène? Est-ce que tu as oublié ton formulaire de consentement pour faire des avances à Patrick? Vous n’avez pas pu coucher ensemble faute de notaire ouvert à onze heure du soir? »
- « Si tu continues comme ça Roch, c’est une motion de blâme que tu vas recevoir. »
- « Laisse-moi laver ma vaisselle en paix, si tu y tiens tant que ça à ton formulaire, je vais le remplir après »
- « Tu vas encore l’oublier, comme la fois où tu as fait des avances à ta patronne sans en demander l’autorisation préalable. Je n’aime pas ton attitude, tu essayes toujours de bousiller le système, des gens comme toi ne peuvent pas fonctionner en société ».
Irène avait dit un mot de trop et la colère qui me gagnait lentement s’est transformée en rage bouillante. J’ai pris l’affiche sur le mur et lentement, je l’ai aspergée de savon, puis j’ai lavé mon assiette avec. Subséquemment, en prenant grand soin de dévisager la belligérante, j’ai chiffonné l’affiche entre mes doigts et je l’ai lancée dans la poubelle. Ensuite, j’ai « échappé » mon assiette étincelante de propreté sur le carrelage de la cafétéria en mettant de l’emphase sur le mot « Oups ». J’ai cherché les yeux d’Irène et je lui ai dit d’un ton mielleux : « Chère Irène, il faudrait que tu remplisses un formulaire de consentement, le concierge doit nettoyer la cafétéria, il y a une assiette cassée ici. Je ne peux pas le faire moi-même où j’aurai un grief. Puisque tu as un crayon, je suppose que tu vas t’en occuper. Après tout, tu es si serviable »!

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