samedi 7 juin 2008

Morose

Il me semble encore que c'était hier que je quittais le monde collégial pour rentrer à l'université, le temps d'une peccadille beaucoup trop longue en génie logiciel, qui m'a coûté très cher sur le plan émotif. Je me revois encore, sillonnant mon appartement de long en large, un livre à la main, angoissé par la solitude excessive et par des études qui ne m'apportaient aucun réconfort. Des fêtes me permettaient à l'occasion de m'évader de ma tête trop pleine. C'était hier il me semble, que la douce main de Camille touchait mon dos pendant que je l'embrassais langoureusement à la station de métro Berri-UQAM, vivant le plus beau moment de ma vie. Une fraction de seconde plus tard, cet amour éphémère allait me donner la claque de ma vie.


L'été, l'angoisse, le regroupement aliments d'ici, les cheveux longs, le désespoir, l'attente interminable pour être accepté en psychoéducation et la psychologue qui tentait de donner un sens à toutes mes expériences éparses. La chanson en disait long : « Plus rien n'a de sens, plus rien de va ». Les spleens, la drogue, le mouvement étudiant, les études, les étés qui se succèdent et qui se ressemblent, où l'on travaille pour tenter de mieux vivre et où finalement on ne voit même plus la vie passée. Les livres, ces interminables bouquins qui sont pleins de poussière et que l'on commence sans vraiment savoir si un jour on en viendra à bout. Ces livres qui nous apportent tant de bonheur quand on peut les apprécier.


L'alcool, les fêtes qui se succèdent et qui finalement, sont toujours pareils. Les amis, la famille, les voyages, les connaissances, les travaux, pas d'amour, ça, c'est une constance. Le rejet de l'être féminin a détruit toute possibilité de chanter tout haut ce que Gilles Vigneault clamait : « Les amours, les travaux, même le chant d'un oiseau, ton coeur, mes mots, font tourner le monde ».


J'ai parlé, j'ai marché, j'ai dû user trois ou quatre paires de souliers de bonne qualité, j'ai pleuré, j'ai ri, j'ai bu, j'ai chanté, je suis tombé, je me suis relevé, j'ai joué de la guitare, j'ai griffonné quelques mots que j'ai appellé un roman et que mes amis, ceux qui sont vraiment mes amis, m'ont dit que c'était de la merde... tout ça pour me rappeler Flaubert que je hais.


Ah oui, car si j'ai aimé, j'ai très certainement haï. Je suis thanatique jusque dans mes pensées : je me vois toujours en train de commettre des meurtres, de faire souffrir, de faire mal, de blesser, de détruire, de torturer, d'agresser, de voir du sang et de rire... un rire gras, inhumain, méchant, qui fait sentir que si je ne peux pas me complaire dans la joie d'être éclairé par Éros, j'allais au moins en faire payer le prix à tous les autres qui me blessent en étant heureux. Ce rêve de maîtriser les armes à feu et l'épée et cette fascination pour tous les dictateurs communistes ont sûrement des traits communs avec ce côté sombre.


La vigueur, celle qui caractérise l'homme qui, acculé au pied du mur, se lève et rugit, qui combat jusqu'à ce que la dernière goutte de sang tombe, qui se bat sans relâche telle la grenouille d'Arlette Cousture, semble se dissiper avec les années. Je n'ai plus cette impression d'être en communion avec le monde et d'être inspiré par une idylle sans fin lorsque j'étais enflammé, nourri d'une verve intarissable. Il semble qu'avec les années, on devient plus calme, moins agité, moins colérique, moins énervé, moins vivant quelque part. J'aimais m'enflammer comme un feu d'amadou pour un oui ou pour un non, simplement pour crier bien haut que j'étais vivant. Aujourd'hui je vis, je travaille, je rentre bien gentiment chez moi, je crochète à gauche, à droite, sans sentir l'extase de l'excès. Je finis invariablement par rentrer, par dormir et me réveiller moins morose.

1 commentaire:

Oscar Chica a dit...

C'est étrange : moi aussi j'éprouve une fascination pour les armes, particulièrement celles de la Deuxième Guerre Mondiale. Je rêve d'avoir une collection incluant un pistolet Luger P08, une fusil à culasse Mauser K-98 et le fameux Sturmgewehr 44, le premier fusil d'assault au monde.

Peut-être que cette fascination pour les armes, de même que ma fascination pour les arts martiaux, n'exprime pas une soif de violence mais plutôt une soif de puissance.

Ou peut-être que ce n'est rien de plus que du phallocentrisme !