dimanche 7 novembre 2010

Incendies

Pour une deuxième chronique de suite, je vais vous reparler de cinéma, cette fois à propos d’un autre film québécois : Incendies. Avertissement : cœurs sensibles s’abstenir. Ce film est d’une dureté et d’une violence qui est à la limite de l’insoutenable. Sans tomber dans la caricature, Denis Villeneuve a su rendre, dans une atmosphère sombre et lugubre, la rage de vivre, envers et malgré tout.

L’intrigue est centrée sur l’histoire de Nawal Marwan, qui est morte lorsque le film commence. Ses deux enfants, Simon et Jeanne, rencontrent l’employeur de leur mère, le notaire Lebel (excellent Rémy Girard), qui est également l’exécuteur testamentaire. Leur mère leur demande de trouver leur frère et leur père, sans autres indices que son vieux passeport. D’ailleurs, le pays d’origine des Marwan est fictif, c’est un mixte entre le Liban, la Syrie et la Jordanie.

Le film se divise en deux fenêtres : d’une part, on voit la vie de Nawal (Lubna Azabal) avant qu’elle arrive au Québec. De l’autre, on voit Jeanne (Mélissa Desormeaux-Poulin), puis Simon (Maxim Gaudette), qui sont sur les traces de leur mère, dans son pays d’origine. Les transitions sont superbes, les prises de vue spectaculaires, la symbolique omniprésente et présentée avec images saisissantes. On nous ramène constamment à quatre dimensions : le feu (le titre est bien choisi), l’eau (piscine), la terre et l’air (présentés conjointement par les paysages dévastés, les villes et villages ainsi que le coin lugubre du quartier St-Laurent, à côté de la 15, où il semble toujours régner une atmosphère moribonde.

Le jeu de Lubna Azabal avoisine la perfection. Même si le scénario lui donne probablement le rôle le plus difficile à interpréter, elle demeure crédible d’un bout à l’autre de l’histoire. Avec émotion, elle nous transporte dans les multiples facettes de son existence, une réalité sans pitié, dépeinte grâce à l’exceptionnelle résilience de son personnage. On peut reprocher à Mélissa Desormeaux-Poulin plusieurs dialogues rarement convaincants et à Maxim Gaudette son insipidité ainsi qu’un jeu manquant de réalisme. Les deux jeunes acteurs brillent peu, même si Jeanne est mieux incarnée que son frère. Rémy Girard s’en tire pour une fois avec un rôle intelligent, qui illustre bien la polyvalence de l’acteur. Sa performance est de la trempe de celle du Déclin de l’empire américain. Les rôles de soutien sont également solides et le jeu est très concluant. Du côté de l’image, il y a une inconstance par rapport au teint de la peau de Jeanne : au Québec, sa peau basanée lui donne un air arabe, alors qu’une fois rendue de l’autre côté de l’Océan, elle semble plus québécoise que nature (teint blanc laiteux).

La conclusion du film, percutante à souhait, nous fait ressentir un malaise sans nom. Le film a vraiment atteint la limite de l’insoutenable. Dans le cinéma, l’air me semblait froid, mais j’ignorais si c’était la température extérieure ou celle de mon âme qui me saisissait autant. Frappé de stupeur après la conclusion, j’ai été incapable de discuter du film sur-le-champ. Denis Villeneuve a réussi un coup de maître et signe un chef-d'œuvre inspiré, tragique, mais d’une grande beauté. Quant à moi, j’en ai été tétanisé!

2 commentaires:

Anonyme a dit...

J'ai aussi beaucoup aimé Incendie. Cependant, j'ai été choqué par la trame sonore qui détonne du film. Je suis une adepte de Radiohead, mais je ne pense pas que ce genre de musique ait sa place dans un univers maghrébin.

C'est effectivement une très bonne adaptation de la pièce de Wajdi Mouawad. Je trouve cependant dommage la sur-esthétisation de Villeneuve. Le récit est assez chargé, il me semble superflu d'en mettre autant inutilement.

Cela dit, excellent film, tu crois qu'il a des chances aux Oscars ?

Le Cardinal a dit...

Radiohead, c'est déjà assez moche comme ça, pas besoin de l'entendre dans un film aussi lugubre.

Pour ce qui est des Oscars, je lui en souhaite!